Dix Petits Nègres, Agatha Christie

J’ai lu quelque part que, de toutes ses productions, c’est le livre que Agatha Christie a eu le plus de difficultés à écrire.

Et on comprend très vite la raison :

La machination secrète et ingénieuse de l’histoire accroche le lecteur d’une manière singulièrement addictive. On y trouve les éclaboussures de la théorie du scoubidou, enfant bipolaire engendrée par un compost génial fait de délicatesse et de travail acharné. Ce livre est une leçon d’écriture à certains égards : qu’est ce qu’un bon page-turner. Car même sans l’aide de Sieur Poirot et Miss Marple, l’auteure s’en sort merveilleusement bien et rappelle à celles et ceux qui l’ont oublié que c’est elle qui trône au sommet de ce genre littéraire. Et elle le revendique à raison à travers ce livre.

Néanmoins, je ne suis certainement pas le premier à remarquer que le dénouement de l’histoire présente quelques inconséquences et surtout plusieurs incohérences. On peut difficilement être déçu de la manière dont Agatha Christie déjoue les évidences et met en place une tension dramatique qu’on salue et qu’on lui connaît ; en revanche on peut l’être du manque, que dis-je, de l’absence criarde de déflagration finale. Sans divulgâcher quoi que ce soit de l’intrigue, je peux conseiller au futur lecteur de ne pas s’attendre à un prodigieux épilogue. Le dernier accord inattendu et le coup de cymbale final qui l’accompagne pour conclure parfaitement la chanson, le dernier souffle d’un pneu qu’on a mis trente minutes à dégonfler, les quelques gouttes qui dégoulinent encore de la bouteille de scotch de 20 ans d’âge qu’on secoue, les deux clopes qu’on retrouve dans un tiroir à 1:00 du matin quand tous les marchands du coin sont fermés,… je divague, mais c’est ce qu’on ne ressent pas quand on est sur le point de fermer ce livre. 

En un mot, c’est une lecture de détente qui se rapproche plus de la distraction que du chef-d’œuvre littéraire. L’intrigue est bonne, et la tension dramatique l’est tout autant, mais sans plus. Et en ce qui concerne la fin, elle n’est pas à la hauteur de l’exigence narrative placée tout au long du livre.