Dans le tumulte incessant des débats qui secouent la société française, “Soumission” de Michel Houellebecq émerge comme un phare dans la brume, illuminant avec une intensité parfois dérangeante les zones d’ombre de notre époque.
“Soumission”, cette fresque de Houellebecq, nous catapulte, bordel, dans une France de 2022, sous l’étreinte d’un président musulman, dans une étreinte qui est loin, mais alors très loin d’être une douce caresse de conte de fées. Non, ici, on joue dans la cour des grands, où chaque coup porté résonne comme une déclaration de guerre contre nos confortables illusions.
Au coeur de cette sarabande macabre, François, notre héros, un académicien de Huysmans, navigue dans cet ouragan comme une feuille morte emportée par les vents capricieux de l’histoire. Houellebecq, ce satané virtuose, manie le scalpel avec une audace qui frise l’obscénité, tranchant dans le vif de notre société occidentale décadente. Il dévoile, sans pudeur ni complaisance, notre boulimie de spiritualité écrasée sous le poids du matérialisme, notre terreur abyssale du néant et notre soumission pathétique face à l’ivresse vertigineuse de la liberté.
Le style ? C’est un feu d’artifice dans une nuit d’encre, où chaque explosion illumine nos visages de vérités inconfortables. La prose de Houellebecq, une hydre à deux têtes, oscille entre la poésie des bas-fonds et la crudité d’une bagarre de rue.
C’est un miroir, mes amis, un putain de miroir tendu à notre gueule, qui nous montre, sans fard, nos peurs, nos désirs inavouables, notre impuissance crasse à imaginer un futur qui ne soit pas une copie carbone de notre présent étriqué. L’auteur, mais que dis-je, “l’orchestrateur” de cette danse des damnés, nous invite à choisir notre masque avant de plonger dans le bal.
Mais attention, car si ce livre est un voyage sans retour vers des abysses de réflexion, il n’est pas exempt de ses propres failles. Certains diront que Houellebecq se complaît parfois dans la provocation gratuite, flirtant avec les limites de l’acceptable, comme un funambule ivre au-dessus du vide de la décence. D’autres pointeront du doigt une vision de la société qui, sous couvert d’audace, pourrait s’interpréter comme une peinture unilatérale, voire fataliste, de notre destinée commune.
N’oublions pas, en plongeant dans ses pages, de garder un œil critique, de questionner non seulement le monde que Houellebecq nous dépeint mais aussi la manière dont il choisit de nous le présenter. “Soumission” n’est pas à prendre comme une prophétie gravée dans le marbre mais comme une invitation à débattre, à résister, à penser par nous-mêmes. Il s’agit, après tout, d’une fiction, un reflet déformant peut-être, destiné à éveiller plutôt qu’à endoctriner.
